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Alexandre Yersin, savant voyageur

Alexandre Yersin, savant voyageur

2018-09-23Personnalité4919Views
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Si vous passez par Nha trang, jolie petite station balnéaire du Viet-Nam, très connue pour sa plus belle baie de la mer de Chine, vous serez touché par la personnalité de Yersin. Nous y passâmes une journée avant de nous rendre dans un vrai paradis du Six Senses Ninh Van Bay. Ce fut Yersin qui m’y accompagna. Il faut dire que j’avais dans ma PAL  « Peste & choléra ». Un formidable livre qui a remporté le prix Femina 2012, où Patrick Deville retrace l’extraordinaire aventure humaine et scientifique que fut la vie  d’Alexandre Yersin (1863-1943). Ce génie est presque inconnu parce qu’il n’aimait pas les honneurs. Il s’intéressa à tout : médecine, agronomie, microbiologie, exploration, géographie, cartographie, ethnologie, astronomie, aviation, météorologie, mécanique…

Seule figure de l’époque coloniale qui n’a pas cessé d’être vénérée au Viet-Nam, où toutes les villes ont un lycée à son nom. Nha Trang fut son berceau, une ville toute à sa gloire qui en 2012 érigea une sculpture dans un nouveau jardin public créé à son honneur juste sur le site où se trouvait le village de pécheurs où il habitait. Tous les mois, des vietnamiens se réunissent pour louer la mémoire de celui qu’ils appelaient « Monsieur Nam » devant son autel, dans le temple bouddhiste qui ne sert plus qu’à ça.

Il est né le 22 septembre à Aubonne en Suisse. Médecin à 25 ans, il prend la nationalité française en 1889. Comme souvent dans la vie, c’est une rencontre qui va tout orienter : continuant ses études à l’hôtel-Dieu, il rencontre Emile Roux qui va lui ouvrir les portes de l’Institut Pasteur. Il fut très impressionné par Pasteur qu’il trouve peu aimable. Son profil était intéressant car il parlait allemand et assurait les traduction scientifiques. Il va travailler sur la tuberculose, la diphtérie.

Il a un caractère.. comment dire .. un tantinet ombrageux. On le dit taiseux et solitaire. Yersin était timide. Il ne se sentait pas bien dans le « Grand monde », il détestait les réceptions.

Yersin et la bande à Pasteur

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Chercheurs de l’Institut Pasteur 1889 – Alexandre Yersin, 3ème en partant de la droite, au premier rang – Photo Institut Pasteur

Bienfaiteur de l’humanité, Louis Pasteur révolutionna la biologie, l’hygiène, l’agriculture, la médecine, la microbiologie, la vaccination … à partir de son étude des fermentations dès 1857.

Il démontrera que les microbes sont partout, dans l’eau, dans l’air, sur les objets, sur la peau… et que certains d’entre eux sont responsables de maladies. Chimiste de formation, il fut le doyen de la faculté des sciences de Lille en 1854, à 34 ans. Si Edward Jenner (1749-1823) a découvert la vaccination, Pasteur lui inventa les vaccins ! D’abord pour les animaux – choléra des poules, charbon des moutons, rouget du cochon – puis chez l’homme : il a vaincu la rage en 1885.

Fort de ses succès, il décide de fonder un centre spécial dédié à la vaccination contre la rage qui puisse aussi être un lieu de recherches et d’enseignement : naissance de l’institut Pasteur en 1888. Pasteur est bien accompagné : Chamberland, Duclaux, Granger, Roux, Louis Martin et Auguste Chaillou, Calmette – qui créera le premier institut Pasteur à Saigon en 1891 -, les frères Sergent, Jean Laigret, Metchnikoff, Landsteiner…… Les instituts Pasteur fleurissent aux quatre coins de la planète :  Saigon, Algérie, Tananarive avant 1900, puis Dakar, Tunis,  Russie,Madagascar,Guyane, Nha Trang  en 1946, Phnom Penh, Nouvelle-Calédonie, Bangui, Côte d’Ivoire, Hong Kong en 2000….

A 26 ans, il voit la mer et sa vie d’aventurier commence .. Pasteur comprend que son élève a besoin d’air .. il lui offre une lettre de recommandation pour devenir médecin de bord afin d’assurer le service médical à bord des petits courriers de la Compagnie des Messagerie Maritimes.

Alexandre Yersin, marin et explorateur

Yersin exerce plusieurs mois sur la ligne Saigon (aujourd’hui Ho-Chi-MinhVille)-Manille  sur le Volga puis sur le Saigon sur la ligne Saigon-Haiphong. Il s’y ennuie à réconforter les belles passagères, à discuter avec le capitaine Flotte – si, si, c’était son nom –  Il faut se souvenir que la Cochinchine comme elle s’appelait alors, est un endroit malsain où les maladies infectieuses prolifèrent. En 1891, n’y tenant plus, il débarque à Nha Trang et part en exploration, sans ordre de mission,  pour se rendre à Saïgon.. 500 kilomètres avec seulement une boussole, en sandales de corde, et en 10 jours car son navire doit repartir. Il contracte la paludisme, doit rebrousser chemin…

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Alexandre Yersin (1863-1943), ici en 1892 à Nha Trang (Annam)
pendant sa première exploration. (©Institut Pasteur).

Grâce à Calmette, en mars 1892,  il réussit l’exploration du l’Annam. Après deux mois d’aventures, il sera accueilli par le Résident de France au Cambodge. Il conquiert le titre d’explorateur ! Le jeune homme décrit tellement bien la topographie des lieux, la flore, la faune, les mœurs des tribus rencontrées ( par exemple les tribus Moïs qu’il apprécia beaucoup). Il va mener une autre expédition dans le Sud Annam entre la côte et le Mékong. Il  découvre alors le plateau du Lang Bian où s’élèvera Dalat : Paul Doumer gouverneur français cherchait un endroit sain, loin du climat torride où les soldats et fonctionnaires français pourraient se ressourcer. Il demanda conseil à Yersin qui l’orienta vers le plateau de Lang Bian.

« Ce n’est pas une vie que de ne pas bouger », écrit-il.

Alexandre Yersin isole le bacille de la peste

Depuis des mois de l’année 1894, une épidémie de peste sévit dans le sud de la Chine. Plus de 100 000 personnes sont décédées à Canton. Elle gagne Hong Kong. Yersin se rend sur place. Il observe ..  Il remarque que la population européenne est peu touchée par la maladie, et voit des rats morts dans les rues. En trois semaines, il avait compris que l’agent pathogène ne se trouvait pas dans le sang et que le vecteur de la maladie est le rat ! Tenu à l’écart des salles d’autopsies par les médecins anglais- peut-être parce qu’il ne parlait pas anglais ? – qui préfèrent les médecins japonais de l’équipe de Shibasaburo Kitasato, il parvient à s’installer un laboratoire rudimentaire ( un microscope et un autoclave) avec l’aide d’un missionnaire italien.

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Yersin devant la hutte de bambou recouverte de paille de Hong Kong en 1894 où il découvrit le bacille de la peste. Collection de photographies de Yersin. © Institut Pasteur – Musée Pasteur.

Celui-ci soudoie des matelots anglais chargés d’enterrer les cadavres afin de prélever des bubons. Le 20 juin 1894, Alexandre Yersin, médecin militaire formé à l’Institut Pasteur, isole à Hong-Kong le bacille de la peste. Il retourne à Nha Trang pour mettre au point un vaccin et un sérum. En 1895, il crée l’Institut Pasteur de Nha Trang pour ce faire.

 Cela lui vaudra de devenir le premier doyen de la faculté de médecine de Hanoï en 1902.

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Médecins militaires à l’ hôpital de Saigon , en 1893. Yersin est le premier à partir de la rangée arrière gauche (son nom est inscrit sur sa veste en uniforme blanc). Albert Calmette est assis, d’abord à gauche, au premier rang. © Institut Pasteur.

Alexandre Yersin, homme d’affaires et exploitant agricole

Pour financer son institut, il se met à l’élevage : vaches, bœufs, buffles, chèvres, moutons et chevaux, au moins 500 têtes qu’il établit à Suoi Giao, à 20 kilomètres de Nha Trang.  Il fera même venir de Suisse des clarines qu’il accrochera au cou des vaches pour les protéger des tigres qui rodent dans les alentours.

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La ferme
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Plan de son laboratoire à Nha Trang

L’expo universelle de 1900 le transporte ! A l’affût de toutes les nouvelles technologies, il prend contact avec les frères Lumière, avec Vilmorin, Michelin.. Il plante du  coton, des hévéas – arbre à caoutchouc. Dès 1903, Michelin achète son premier kilo de  latex. La plantation de Suoi Giao en produira 135 tonnes en 1935, faisant du caoutchouc une source de revenus importante pour la colonie. Il s’essaie aussi à la culture des fleurs – il collectionne les orchidées – du cacao, manioc, palmier à huile, cocotiers.. avec plus ou moins de succès. Il arrive à produire la quinine avec les plantations de Cinchonas, pour la traitement du paludisme. Autour de Dalat, il développe la culture de fleurs, pommes de terre, fraises et la framboises, Haricots verts, laitues, betteraves et carottes.., caféiers.. qui sont encore aujourd’hui en production.

Il surveille les marées, tente de prévoir les typhons qui ravage la région. Il fait installer une lunette astronomique sur le toit de sa petite maison. Amateur de sensations fortes, il sera au volant du premier véhicule à moteur circulant à Nha Trang, une Serpollet 5CV et il envisage même d’acheter un avion et faire construire une piste d’atterrissage.  La station servira à l’installation de la TSF

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La maison d’Yersin et la coupole de son observatoire, à Nha Trang. 
© Institut Pasteur

En 1903-1904, Yersin est chargé par Paul Doumer de prendre la direction de l’École de médecine de Hanoi nouvellement fondée.

Il mena une vie modeste parmi les Vietnamiens. Bien que menant une vie d’anachorète, lorsqu’il se rend à Paris, il aime loger au Lutetia qui ouvre en 1910. Il y viendra de 1910 à 1912.

Yersin a 77 ans, il a assisté au dernier congrès de l’Institut. Roux, Calmette sont morts depuis 7 ans. Cela fait quelques années qu’il emprunte la voie des airs pour ses aller-retour. Songez donc : son premier voyage en vapeur dura un mois. En ce jour de juin 1940, il embarque sur ce qui sera le dernier vol Air France à bord d’un nouvel hydravion LeO H-242 quelques heures avant que les Allemands envahissent l’aéroport de Paris. Il ne le sait pas mais ce sera son dernier vol à lui aussi. Il meurt le 28 Février 1943 d’une myocardite.

Alexandre Yersin, bienfaiteur de l’humanité

Il existe des bienfaiteurs de l’humanité qui ne sont pas célèbre, en tout cas pas partout : c’est le cas d’Alexandre Yersin. Au Vietnam il est vénéré comme un Dieu, un Bouddha et il y a de quoi ! Yersin se moquait complètement de la notoriété, il n’eut même jamais le Nobel !  Toute sa vie fut vouée à la science.. Point de temps pour avoir femme et enfants, même si la rumeur lui prête des enfants. Il soigna sans contrepartie.

« Je ne fais pas payer ces gens, la médecine, c’est mon pastorat. Demander de l’argent pour soigner un de ces malades, c’est un peu lui dire la bourse ou la vie. »

Son père mourut trois semaines avant sa naissance. Il écrivit à sa mère presque tous les jours. Puis lorsqu’il fut orphelin, ce fut à sa sœur qu’il envoya ses missives.

Courrier adressée à sa mère

Quatre mémoriaux du docteur Alexandre Yersin sont visitables et classés site historique et culturel.:

  •  Sa bibliothèque  à l’Institut Pasteur Nha Trang, petit musée très émouvant.
  • La Pagode Linh Son, commune de Suoi Cat (ancien cabinet médical à Suoi Dau).
  • Son ancienne maison sur le mont Hon Ba situé à 60 km de Nha Trang reconstruite à l’identique.
  • Sa tombe à Suoi Dau : Une tombe rectangulaire en ciment nu, où sont gravés son nom, son année de naissance et de décès. Un endroit simple comme il a vécu. On y accède par un petit chemin de terre. Il est possible de se rendre à la ferme toute proche et de discuter avec le personnel.

J’ai beaucoup aimé le Vietnam et les Vietnamiens. J’y retournerai, c’est certain et j’irai sur ses pas à Dalat et sur le Mont Hon Ba.

Sources : Alexandre Yersin (1863-1943), explorer and a founding scientist of thePasteur Institutes by Milleliri J.M.

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Apprentie-sage, à la fois frivole et mystique, lègère et spirituelle , gourmande et orthorexique, férue de nutrition, en recherche de sagesse

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