Il était 17h58 et 48 secondes, le 23 mai 1992, 600 kg de TNT sous une autoroute de Palerme, font exploser les voitures du juge Falcone et de son escorte. Une secousse tellurique que l’Observatoire géophysique del Monte Cammarata, à plus de 100 km de Palerme, enregistre…. Et un massacre.
Le titre original est : 𝒮𝑜𝓁𝑜 é’ 𝒾𝓁 𝒸𝑜𝓇𝒶𝑔𝑔𝒾𝑜 (le courage est solitaire), tout un programme gros pavé documentaire (600 pages) Giovanni Falcone.

18 mai 2025 : il aurait 86 ans.
Dans le viseur de Cosa Nostra surtout depuis le Maxi-Procès de Palerme dont Falcone est l’instigateur où 475 mafieux seront dans des « cages » d’accusés… qui aboutira en cumulé, à 2665 années de prison pour les 360 condamnés…
Un homme jovial que le lecteur va fréquenter, va apprendre à connaître, à comprendre. Il va le suivre dans ses méthodes innovantes (telles que le traçage des flux financiers…), dans sa traque sans merci à démanteler la Costa Nostra.
L’auteur nous dévoile l’intimité de ce juge, ses doutes, ses peurs, ses fragilités, ses renoncements, son don de soi, sa solitude. Une partie un peu romancée, pour combler quelques trous..
Giovanni refuse longtemps d’épouser Francesca parce qu’« 𝑜𝑛 𝑛’é𝑝𝑜𝑢𝑠𝑒 𝑝𝑎𝑠 𝑑𝑒𝑠 𝑣𝑒𝑢𝑣𝑒𝑠 ». Il ne veut pas d’enfants non plus parce qu’« 𝑜𝑛 𝑚𝑒𝑡 𝑎𝑢 𝑚𝑜𝑛𝑑𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑒𝑛𝑓𝑎𝑛𝑡𝑠, 𝑝𝑎𝑠 𝑑𝑒𝑠 𝑜𝑟𝑝ℎ𝑒𝑙𝑖𝑛𝑠 ». Falcone se sait en sursis, sait qu’il est une cible, vit entouré d’escortes policières et voyage en voiture blindée, a une vie personnelle bien compliquée avec sa famille, son épouse, elle-même magistrate. J’ai aimé faire connaissance avec cette femme elle aussi incroyablement courageuse.
Et puis, il lui faudra compter avec les jalousies, trahisons, luttes d’influence, les jeux politiques et de son administration, du « palais des venins »
« 𝒜𝓊 𝓂𝑜𝓂𝑒𝓃𝓉 𝒹’𝒶𝒸𝒸𝑒𝓅𝓉𝑒𝓇 𝓊𝓃 𝓉𝓇𝒶𝓋𝒶𝒾𝓁, 𝒸𝑒𝓇𝓉𝒶𝒾𝓃𝓈 𝒸𝒶𝓁𝒸𝓊𝓁𝑒𝓃𝓉 𝓁𝑒 𝓃𝑜𝓂𝒷𝓇𝑒 𝒹𝑒 𝓀𝒾𝓁𝑜𝓂è𝓉𝓇𝑒𝓈 𝑒𝓃𝓉𝓇𝑒 𝓁𝑒 𝒷𝓊𝓇𝑒𝒶𝓊 𝑒𝓉 𝓁𝒶 𝓂𝒶𝒾𝓈𝑜𝓃, 𝑒𝓉 𝒹’𝒶𝓊𝓉𝓇𝑒𝓈 𝒸𝒶𝓁𝒸𝓊𝓁𝑒𝓃𝓉 𝓁𝑒 𝓃𝑜𝓂𝒷𝓇𝑒 𝒹𝑒 𝓂𝑜𝓇𝓉𝓈 𝓆𝓊𝒾 𝓁𝑒𝓈 𝑜𝓃𝓉 𝓅𝓇é𝒸é𝒹é𝓈. »
Il n’est pas le seul à mener cette quête. Nous côtoyons aussi Cesare Terranova, Rocco Chinnici qui organisa le premier « pool » antimafia (le chapitre15 𝗖𝘂𝗲𝗶𝗹𝗹𝗶𝗿 𝗹𝗲𝘀 𝗿𝗼𝘀𝗲𝘀 et la confection de Rigattoni alla Chinnici.. Quelles émotions !), Gaetano Costa, Boris Giuliano, le général Carlo Alberto dalla Chiesa, Ninni Cassarà, Paolo Borsellino.. Tous intègres, incorruptibles, courageux jusqu’à perdre leur vie. J’ai apprécié Antonino Caponnetto, le successeur du juge Chinnici.
Il est question de courage, de force d’âme, d’opiniâtreté et d’éthique
J’ai appris que les mafieux nomment 𝐝𝐞𝐥𝐢𝐭𝐭𝐢 𝐞𝐜𝐜𝐞𝐥𝐥𝐞𝐧𝐭𝐢 (𝐜𝐫𝐢𝐦𝐞𝐬 𝐞𝐱𝐪𝐮𝐢𝐬) les assassinats de personnes publiques. L’auteur décrit des chefs mafieux. Incroyable Le pape, petit vieux, paysan perdu dans ses oliviers, qui parle un dialecte, à qui on donnerait le Bon Dieu sans confession alors que.. Au premier chapitre : 1943, un père accompagné de ses fils, ramène une bombe américaine qui va exploser. Il n’y aura qu’un survivant : Salvatore Riina, 13 ans… qui deviendra le pire de tous : Totò Riina dit le petit.
La lecture est bien rythmée, haletante et toujours très émouvante. Beaucoup de chapitres poignants où l’émotion serre le cœur, noue le ventre. Et il y a aussi la beauté de l’Italie et de Sicile.
Salviano rend hommage à Falcone et à ses proches qui ont lutté contre cette pieuvre tentaculaire. Il réalisé un travail colossal de recherches (62 pages de bibliographie). Roberto est sur la liste noire de la mafia italienne, il est sous protection policière depuis son roman 𝐆𝐨𝐦𝐨𝐫𝐫𝐚 paru en 2017.
Un texte fort ; Une lecture passionnante et bouleversante qui ne laisse pas indemne. Je range ce livre- enquête en ayant la nette impression d’être en deuil de tous ces Hommes d’honneur.
Giovanni Falcone de Roberto Saviano
608 p – 2025 – Gallimard
Une lecture qui a l’air plutôt déprimante.
je ne dirais pas ça mais effectivement il s élit la gorge serrée.