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L’intimidation scolaire : c’est l’affaire de tous !

L’intimidation scolaire : c’est l’affaire de tous !

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College Boy, le nouveau clip du groupe de rock Indochine mettant en scène le quotidien d’un collégien harcelé, fait beaucoup réagir. Je ne vais pas me lancer dans la polémique de la censure, cependant je suis certaine que les enfants voient aussi violent au journal de 20 heures… C’est un fait que les images réalisées par le talentueux Xavier Dolan sont chocs et son esthétique lui donne une force incroyable car il est magnifiquement mis en scène, en noir et blanc.

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Le clip d’Indochine sur l’intimidation scolaire

Tout débute par de petites brimades telles que des jets de boulettes endurées par un adolescent, puis la violence va crescendo : tabassages à terre, il se fait uriner dessus… avant d’être crucifié.

Aucune crucifixion n’a jamais eu lieu dans une cour de récréation, au sens littéral, mais un jeune harcelé le vit comme ça dans sa tête et dans sa chair.

Les autres élèves et les adultes ont un bandeau sur les yeux et restent inactifs. Pour le chanteur Nicola Sirkis, « C‘est la même démarche que lorsque la Sécurité routière réalise un clip choc pour sensibiliser aux accidents de la route. C’est plus éducatif qu’autre chose (……) Certains gamins se suicident parce qu’ils sont harcelés par d’autres élèves. C’est un point de vue sur une réalité qui existe ».

Que disent les élèves  ?

dessin-enfant-mis-à-l-écart14% des élèves ne se sentent pas en sécurité au collège et se disent victimes de harcèlement verbal ou symbolique dont 8 % d’un harcèlement sévère à assez sévère. Depuis vingt ans, la violence des jeunes dans les établissements scolaires est devenue une question de société. Les actes de violence à l’école sont désormais répertoriés, un observatoire les analyse et des plans antiviolence ont été mis en œuvre… En France, Alain Bauer, criminologue chargé d’une mission sur les violences scolaires, a réalisé un rapport en 2010, et nous en sommes au énième plan anti- violence à l’école. « Le Code de la Paix Scolaire » a même été rédigé en 2008. Pour les historiens, la violence des jeunes au sein des établissements scolaires n’a hélas rien de nouveau. (1) Est ce une raison pour la tolérer ?

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Qui est harceleur et harcelé ?

Ce comportement physique ou verbal est un acte intentionnel et réfléchi destiné à blesser ou à mettre l’autre mal à l’aise. La définition de Dan Olweus, professeur en psychologie à l’Université de Bergen en Norvège suppose trois conditions essentielles qui distinguent l’intimidation des autres formes de comportements agressifs :

Le pouvoir : Les enfants qui font de l’intimidation acquièrent leur pouvoir grâce à leur taille et à leur force physique, à leur statut dans le groupe et en obtenant le soutien du groupe de pairs.

La fréquence : L’intimidation n’est pas un acte fait au hasard. Elle se caractérise plutôt par des attaques fréquentes et répétées. C’est ce facteur qui provoque la terreur d’anticipation dans l’esprit de l’enfant qui subit l’intimidation et qui peut être si néfaste et avoir les effets les plus débilitants à long terme.

L’intention de nuire : Les enfants qui usent d’intimidation le font généralement avec l’intention de blesser l’autre enfant physiquement ou sur le plan émotif.

enfant-squi-se-battentL’intimidation peut commencer par des gestes qui semblent taquins comme des tours, des blagues et un peu de bagarre. Les incidents deviennent rapidement plus blessants, se transforment en insultes, en dérision, en attaques personnelles et en humiliation en public. Les jeux rudes et les bousculades mènent aux coups de poing, aux coups de pied, aux confinements et aux raclées (Ross,1998). La victime peut en ressentir les séquelles à vie, ces sévices causant des dommages psychologiques nuisibles pour son développement, allant de l’anxiété, au simple décrochage scolaire, à la dépression,  la colère, la phobie scolaire, jusqu’au suicide 

Les Anglos-Saxons le nomment le school bullying, c’est-à-dire un harcèlement fait de brutalités et d’insultes quotidiennes, d’une suite continue de ce que l’on nomme aussi des « microviolences ». Quel euphémisme !

 

La cyberviolence prend aussi de l’ampleur. Selon une étude européenne de 2011 à laquelle a participé Séraphin Alava, professeur de sciences de l’éducation à Toulouse le Mirail (2), plus d’un adolescent sur cinq (23 %) a déjà été victime d’un SMS injurieux , 14 % ont déjà reçu un appel désagréable, menaçant ou humiliant , 12 % ont eu leur identité ou leur mot de passe usurpés, 13 % ont reçu des messages de haine ou incitant à la haine ; 8 % incitant à la boulimie, anorexie, prise de drogue ; 19 % au harcèlement (bullying). Le happy slapping ou vidéo-lynchage, phénomène récent en plein essor apparu en 2008, représente 25 % de la cyber violence: des scènes de tabassage ou de la vie intime diffusés à l’insu de la victime. Les ados agresseurs, qui sont à 80 % des proches de la victime, croyaient faire une « plaisanterie »… A voir s’ils ne sont pas conscients du mal qu’ils font ! 

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 « L’agressivité des élèves désignés comme “violents” est essentiellement liée à deux éléments : une forte anxiété-dépression et une plus grande difficulté dans l’assimilation des enseignements. Échec scolaire et violence sont intimement liés (…) Il ne faut pas perdre de vue que les personnes perçues comme violentes sont aussi en souffrance » écrivait Daniel Favre en 2007 dans Transformer la violence de l’élève. Je suis bien convaincue que les harceleurs et autres intimidateurs sont en souffrance.. Ceci est une explication, mais pas une excuse.

intimidation scolaire-enfant-qui-pleureLes enfants qui subissent de l’intimidation sont habituellement plus sensibles que leurs pairs, physiquement plus petits, malheureux, prudents, anxieux, calmes et retirés. Ils sont souvent décrits comme passif ou soumis. Malheureusement, les tyrans tortionnaires savent que ces jeunes ne riposteront pas, ce qui en fait une cible facile.

Les agresseurs ont un manque de confiance en soi étonnamment bas, sont issus de tous les milieux. Les garçons et les filles font de l’intimidation dans les mêmes proportions, mais le type d’intimidation diffère.  Les garçons comme les filles sont portés à utiliser des moyens d’intimidation qui nuisent à ce que le groupe valorise le plus. Les garçons valorisant la dominance physique, l’intimidation prend plus souvent des formes physiques : bousculer, frapper, pousser et menacer. Et pour les filles qui valorisent généralement les relations, leurs comportements d’intimidation prendront vraisemblablement la forme d’actes d’aliénation sociale : répandre des rumeurs, retirer l’amitié, ostracisme..

Comment lutter contre ce fléau ?

Le clip montre bien l’inaction des adultes, soit par fatalité, par manque de courage, ou ignorance. Pourquoi le jeune harcelé n’en parle-t-il pas à ses  parents, aux adultes ? Humilié, il a honte de lui-même et il se sent dévalorisé. Il pense que s’il en parle aux parents, cela les attristera, les embarrassera. Il a peur du rejet par ses parents car tout enfant souhaite que ses parents soient fiers de lui… Alors, il se tait. De plus, il est mal vu de dénoncer. Il est nécessaire de faire comprendre aux jeunes que parler est l’une des clés qui permettront aussi à d’autres jeunes de s’en sortir. Dénoncer n’est pas « tooler » Dénoncer, c’est dire NON à la violence, NON à une situation vécue ou vue qui est inacceptable. Les jeunes aussi ont le pouvoir de mettre fin à l’intimidation chez leurs pairs.

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                           Un des éléments clés de toute stratégie de prévention de l’intimidation est le développement de l’estime de soi. Il importe d’aider les enfants, les adolescentes et les adolescents à reconnaître et à accepter leurs forces, leurs différences et leurs limites.

Ils doivent apprennent à s’entendre avec les autres en observant les adultes. L’exemple qu’ils ont devant leurs yeux, est-il probant ? Pas toujours ! Les enfants voient et copient les comportements qu’ils ont observés chez les adultes. Nous sommes tous un peu responsables.

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Beaucoup d’écoles commencent à réagir et à créer des groupes de travail sur le sujet avec les parents, les jeunes. Ils établissent un plan de surveillance et veillent à sa mise en œuvre. Dans un contexte social difficile, une équipe de l’école « Concorde » de Mons en Baroeul a décidé il y a dix ans, de mettre en œuvre la pédagogie « Freinet » avec un beau succès. Beaucoup de belles initiatives.

Pourquoi ne pas faire entrer à l’école, l’hygiène en communication ? Leur apprendre la communication sans violence ?  Les initier aux règles d’hygiène relationnel de Jacques Salomé ? Leur montrer comment être en empathie avec les autres, comment gérer ses sentiments de colère, comment accepter les différences et faire face à la pression exercée par les pairs ?

Il serait également bienvenu que les parents surveillent les émissions de télévision que regardent leurs enfants et qu’ils les découragent de regarder les programmes qui présentent un comportement antisocial et agressif. Je trouve certaines publicités ou émissions – même si je regarde peu –  empreintes de violence, de moqueries, de compétitions malsaines, sans respect, qui ressemble à de l’humour mais qui n’en est pas, qui mettent en avant le « Gagner à n’importe quel prix » !

 Eric Debarbieux a fait ce constat très intéressant : la violence scolaire est absente dans les écoles des pays pauvres tels que le Burkina Faso, Brésil ou Djibouti. Nous pourrions nous laisser abuser en justifiant ceci parce que ces enfants vont moins longtemps à l’école ? Debarbieux émet une autre hypothèse très pertinente : dans ces pays, des communautés soudées et solidaires ont subsisté (villages ou favelas), et les écoles bénéficient de ce « lien de proximité qui produit une régulation forte ». Il est remarquable aussi que quel que soit le contexte,  la violence des élèves est moins fréquente dans les établissements où les équipes éducatives sont à la fois solidaires et bienveillantes.

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Je suis certaine que tout adulte a un impact sur les jeunes qu’il côtoie, que ce sont les adultes qui doivent initier les comportements civils et respectueux pour que demain, plus jamais un enfant ne meure ou ne soit détruit en étant le souffre-douleur d’un de ses pairs ou ne soit tenté de combler son manque de confiance en soi en devenant un persécuteur. intimidation-c-est-non

 

Sources: (1) La violence scolaire de Vincent Troger (2) Séraphin Alava a participé avec Catherine Blaya à l’étude européenne “Risques et sécurité des enfants sur internet, EU Kides Line” menée auprès de 1 917 jeunes de 9-16 ans et de leurs parents en France. 

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Apprentie-sage, à la fois frivole et mystique, lègère et spirituelle , gourmande et orthorexique, férue de nutrition, en recherche de sagesse

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